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Le débat public sur les effets des médias : hybridation des processus de circulation des savoirs et porosité aux logiques extra-scientifiques

Jean-Matthieu MÉON
Groupe de sociologie Politique européenne - PRISME (CNRS UMR 7012), IEP, Strasbourg

 


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Mots-clés : régulation audiovisuelle, champ scientifique, télévision, CSA, violence.

 

La question des effets des médias est au cœur de polémiques récurrentes dans l’espace public. Les analyses scientifiques de ces effets font partie intégrante des registres argumentaires qui y sont mobilisés par des acteurs associatifs, politiques, médiatiques ou institutionnels. Cette mobilisation a des implications directes en termes de politiques publiques comme en témoignent les mesures de contrôle de la violence télévisée mises en place par le Conseil supérieur de l’audiovisuel - CSA - qui renvoient explicitement à ces analyses des effets[1]. S’attacher à l’action de cette institution permet d’apporter un éclairage sur les processus spécifiques de circulation des savoirs qui caractérisent ce débat public, le CSA ayant été l’un des principaux acteurs de ces polémiques. Il s’agit ici de rendre compte à la fois des caractéristiques de la circulation proprement dite et des logiques au principe de cette circulation, afin de montrer comment ces logiques déterminent les modalités de cette circulation[2].

Détailler les processus de cette circulation montre que celle-ci repose sur une appropriation active des savoirs. Les débats publics sur les effets des médias invitent en effet à dépasser une lecture en termes de « transmission d’un savoir savant en direction d’une sphère profane ». Les analyses savantes qui y sont discutées ne sont pas avancées uniquement par des acteurs scientifiques, et la participation d’acteurs tels que le CSA ne se limite pas seulement à une reprise ou à une synthèse d’arguments scientifiques : en publiant, en 1995, une analyse quantitative de la violence des fictions télévisées (Conseil supérieur de l’audiovisuel 1995), le CSA a tenté de prendre part au débat proprement scientifique. L’utilisation militante des savoirs ne relève donc pas ici d’une simple instrumentalisation. Elle révèle plutôt des opérations d’hybridation entre le « savant » et le « profane », et le flou des frontières qui en résulte pour qualifier aussi bien les analyses elles-mêmes que leurs producteurs[3].

Ces processus se caractérisent aussi par une forte porosité à des logiques extérieures aux analyses savantes, que ces logiques soient politiques, médiatiques ou institutionnelles. C’est ainsi que circulent avant tout des savoirs dont la plasticité et les formes permettent une exploitation médiatique et militante. Leur circulation est déterminée par les agendas politiques et médiatiques. La circulation dont il est rendu compte ici est aussi le produit des logiques proprement institutionnelles qui ont animé le CSA et ses responsables. C’est dans l’articulation de ces logiques politiques, médiatiques et institutionnelles que s’est inventée l’hybridation évoquée de la circulation des savoirs.

Ainsi, même dans ses dimensions les plus fortes - une appropriation et non une reprise - la circulation des savoirs reste marquée par la prégnance d’enjeux qui la distingue du « désintéressement » scientifique[4]. Les processus étudiés ici donnent à voir une circulation non circulaire des connaissances et des analyses, qui vise non pas à alimenter le débat scientifique mais à légitimer une intervention du CSA dans le débat et à lui assurer un monopole du discours savant en la matière.

Afin de rendre compte des spécificités des processus et de l’articulation des logiques politiques, médiatiques et institutionnelles, nous aborderons tout d’abord la façon dont le débat politique et médiatique a suscité une initiative du CSA en matière de contrôle des programmes, puis nous soulignerons la dimension participative de cette initiative savante avant d’en évoquer, enfin, son caractère non univoque, c’est-à-dire l’importance des logiques extra-scientifiques dans cette démarche.

Une intervention suscitée par le débat politique et médiatique

L’intervention du Conseil supérieur de l’audiovisuel - CSA - sur la question des effets des médias s’inscrit dans le débat public qui s’est développé en France sur la violence à la télévision depuis la seconde moitié des années 1980. C’est, en effet, suite à des incitations médiatiques et politiques et selon des logiques institutionnelles que l’institution est intervenue sur cette question, en mobilisant des savoirs scientifiques.

Si la télévision a suscité en France des réticences quant à ses effets presque depuis ses origines - le carré blanc étant ici un indicateur de ces premières critiques -, la seconde moitié des années 1980 a représenté une relance nette de ce type de dénonciations. Cette période a été celle des privatisations des chaînes de télévision - TF1 et La Cinq - et d’une transformation des modes de programmation et des programmes. Ces évolutions ont été constituées comme problématiques par toute une série de prises de position. Des discours médiatiques - essentiellement de presse écrite - ont été produits en ce sens. Une des illustrations les plus connues en est le décompte des scènes de violence diffusées à la télévision effectué par l’hebdomadaire Le Point, en 1988, dans un dossier intitulé « Télé-massacre »[5]. Des acteurs politiques sont aussi intervenus, telle la députée socialiste Ségolène Royal qui, en publiant un ouvrage intitulé Le ras-le-bol des bébés-zappeurs (Royal 1989), a explicitement dénoncé la mauvaise influence de la télévision sur les enfants. Enfin, des interventions de scientifiques dans les médias - au premier rang desquels, la psychologue Liliane Lurçat - ont aussi contribué à cette polémique. Ces différents discours affirmaient les effets néfastes de la télévision sur le jeune public, et principalement des programmes reposant sur la violence et l’érotisme. Les premières mesures du CSA en matière de contrôle des programmes ont été prises dès mai 1989, avec la directive relative à « la protection de l’enfance et de l’adolescence dans la programmation des émissions diffusées par les services de télévision publics et privés », destinée à prévenir la diffusion de certains programmes avant certaines heures.

Au début des années 1990, trois séries d’éléments ont concouru à de nouveaux investissements de cette polémique et ont donné lieu à un traitement médiatique et éditorial important[6]. Plusieurs faits divers ont été mis en avant comme autant d’illustrations concrètes des effets des programmes télévisés : le meurtre d’un petit garçon par deux enfants en Grande-Bretagne, la mort de jeunes censés avoir imité le héros télévisé MacGyver ou encore le meurtre d’une petite fille norvégienne tuée par des enfants ayant regardé la série Power Rangers. Parallèlement, les exemples nord-américains - États-Unis, Canada - de mise en place de dispositif de contrôle des programmes et de mobilisation anti-violence ont régulièrement été évoqués. Ces débats sur les effets des programmes ont été accompagnés par la réinscription de l’audiovisuel sur l’agenda gouvernemental, à l’occasion de la préparation de la loi Carignon, qui portait principalement sur la question du service public.

En raison de ces polémiques, le CSA, étant en charge de la « régulation audiovisuelle », a été statutairement impliqué et sommé d’agir. Il est alors intervenu dans le débat de manière rhétorique et volontariste. À travers leurs déclarations publiques, les responsables du CSA ont établi la question comme étant leur « cheval de bataille »[7]. Ce faisant, ces responsables sont intervenus de manière pratique et stratégique en constituant le CSA comme le principal interlocuteur des médias et des pouvoirs publics en la matière, c’est-à-dire en le constituant comme un interlocuteur ayant une légitimité institutionnelle et politique mais aussi une légitimité scientifique à intervenir en la matière.

Le choix du registre scientifique apparaît comme un moyen d’affirmer l’existence du problème dénoncé, de « démontrer » qu’il y a des programmes violents à la télévision qui ont des effets sur le jeune public. Ce registre est en même temps un moyen d’assurer la légitimité de l’institution à agir et à orienter le débat : si un tel problème existe, le CSA montre ainsi qu’il sait le définir et peut y apporter une solution. Cette question de la légitimité prend tout son sens si elle est rapportée au débat de l’époque et aux caractéristiques qui sont alors celles du CSA. Il s’agit alors d’une institution jeune créée suite à deux échecs - la Haute Autorité et la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL) -, et qui est donc incertaine et parfois critiquée. Il y a ainsi là, à travers cette intervention dans le débat sur les effets, une stratégie institutionnelle de positionnement et de légitimation. De plus, le débat sur les effets de la télévision a partie liée avec la question du contrôle des contenus ; le registre scientifique permet une mise à distance des accusations de censure moraliste et il s’agit donc aussi là d’une stratégie de légitimation politique de l’intervention du CSA. Enfin, le registre scientifique ayant déjà été fortement mobilisé sur ces questions, les analyses qui en relèvent représentent un passage quasi obligé en la matière.

Une appropriation participative des savoirs

L’intervention du Conseil supérieur de l’audiovisuel - CSA - dans le registre scientifique a pris diverses formes, des plus classiques et passives aux plus actives. Elle a ainsi notamment consisté en une expertise omniprésente. Que ce soit à travers des tribunes dans la presse généraliste, des articles dans la presse destinée aux professionnels de l’audiovisuel ou des participations à des colloques associant scientifiques et professionnels, des représentants du CSA ont régulièrement présenté de façon synthétique les analyses classiques des effets des médias. Ces prises de position ont surtout été le fait d’« experts maisons », c’est-à-dire de membres de l’institution pouvant avoir une autorité à parler en-dehors de leur appartenance à l’institution, comme Monique Dagnaud, à la fois membre du CSA et sociologue. L’accès des représentants du CSA à la « rhétorique de la scientificité » - et à l’« effet de vérité » que cette rhétorique produit (Bourdieu 1982, p. 227 et suiv.) -, est donc rendu possible ici par des gages académiques déjà détenus par ailleurs.

Mais l’intervention du CSA ne s’est pas limitée à une vulgarisation experte, comme en témoigne la publication en novembre 1995 d’une enquête réalisée en son sein, principalement par deux de ses chargés de mission, à partir d’avril 1994. En publiant cette Enquête sur la représentation de la violence dans la fiction à la télévision, le CSA a produit un travail à vocation scientifique. Ses responsables ont exprimé une volonté explicite de participer au débat savant. Les auteurs de l’enquête revendiquent ainsi une rupture avec l’approximation médiatique ou politique en la matière. Certaines des enquêtes précédentes sur la violence télévisée - Le Point en 1988, Télérama en 1993 ou le rapport parlementaire de Christine Boutin de 1994 sur Enfant et télévision - sont ainsi citées, pour être disqualifiées comme étant des analyses « très intuitives » (Conseil supérieur de l’audiovisuel 1995, p. 5). De plus, l’enquête du CSA s’adresse notamment aux chercheurs. Selon ses auteurs, elle offre un constat qui se veut non normatif, qui peut donc être prolongé par les chercheurs et/ou qui peut être mobilisé tel quel par les acteurs sociaux :

Les résultats de la présente étude sont à la disposition des chercheurs, des responsables politiques, éducatifs, audiovisuels - et des parents - à qui il appartiendra de tirer de ce constat les conclusions qui s’imposent. Il leur revient de prendre la mesure, sociale et culturelle, du phénomène que nous nous sommes attachés à quantifier. Et tenter d’y remédier, si cela s’avère nécessaire. [...] C’est à modérer la quantité de programmes de ce type et leur place dans les grilles de programmation avant 22 heures que les responsables audiovisuels doivent s’attacher en premier lieu[8]. (Conseil supérieur de l’audiovisuel 1995, p. 10)

Enfin, les auteurs de l’enquête souhaitent explicitement l’inscrire dans une réflexion et une démarche scientifiques. Il y est ainsi fait référence à des auteurs précis, en l’occurrence surtout au chercheur américain George Gerbner, qui a beaucoup travaillé sur l’influence de la télévision et notamment des programmes violents. La référence n’est explicite qu’à l’égard de ses analyses quantitatives - son indice de mesure de la violence -, les renvois à sa théorie de l’acculturation restant beaucoup plus implicites. Il ne s’agit cependant pas d’une simple référence car l’enquête vise à être un prolongement et un complément des analyses du chercheur. Les auteurs proposent notamment une révision de la définition que Gerbner donne de la violence - en y introduisant des termes juridiques pour préciser les actes - et complètent l’indice de Gerbner, en y intégrant des facteurs de durée, d’intensité et de gravité. Plus encore, cette enquête apporte ses propres résultats, c’est-à-dire des résultats non seulement qui sont inédits pour le cas français mais qui permettent aussi des comparaisons avec les cas étrangers.

En adoptant une telle démarche aspirant à la scientificité, le CSA brouille les distinctions entre les analyses « savantes » des effets et leurs contreparties « profanes ». À travers cette hybridation des discours, s’observe là une redéfinition des frontières plutôt qu’une « contrebande », une appropriation participative plutôt qu’une importation instrumentale et déformante. La publication de l’enquête a suscité quelques débats et a représenté un point central du traitement médiatique de la question (Missika 1995, p. 13). Elle a ainsi conféré un monopole du discours savant médiatique au CSA et elle n’a donné à voir dans les médias que des différences statutaires - « universitaire » ou « institutionnel » - entre les participants au débat. En ce sens, la stratégie d’hybridation adoptée par le CSA a donc contribué à modifier les rapports de légitimité entre les acteurs « savants » et les acteurs « profanes » dans le cadre du débat sur les effets. Cette hybridation a cependant sans doute été facilitée par le type de savoirs envisagés ici. Si la question des effets de la télévision sur les enfants, et notamment de la violence des programmes, est un des thèmes les plus travaillés de la recherche sur les médias, la production éditoriale en la matière est fréquemment constituée d’ouvrages qui placent le jugement avant l’analyse et qui restent, de ce fait, dans une analyse faite de sociologie spontanée et de déploration (Neveu 1989, p. 1, 4 et 28), ce corpus scientifique se caractérisant alors par sa forte perméabilité au sens commun, notamment dans la définition de ses problématiques (Baton-Hervé 1999).

Une démarche non univoque

Si les responsables du Conseil supérieur de l’audiovisuel - CSA - ont souhaité positionner fortement leur institution dans un registre scientifique, leur démarche n’en a pas pour autant été univoque. Elle s’est inscrite dans une stratégie institutionnelle plus vaste, dont l’horizon n’a pas été le champ scientifique mais l’espace public du débat sur les effets et surtout sur les solutions à y apporter.

Le recours du CSA au registre scientifique relève, en effet, de déterminations qui ne sont pas exclusivement - ou pas du tout - scientifiques. On l’a vu, la décision de l’intervention elle-même est directement liée à des logiques médiatiques, politiques et institutionnelles. Au-delà, le choix de la méthode et des savoirs qui la sous-tendent - ici, une sociologie quantitativiste des médias - est également lié à ces logiques : les savoirs qui sont mobilisés par le CSA sont ceux dont les formes vont permettre un écho et une réception médiatiques. En l’occurrence, le discours d’expertise développé par le CSA est porteur des conditions de félicité de sa réception médiatique. Proposant une évaluation quantitative de la violence télévisée, ce discours repose sur un décompte, c’est-à-dire sur une des modalités déjà largement utilisées par la presse dans le cadre du débat sur les effets de la télévision, comme en témoignent les décomptes publiés par la presse cités précédemment. De plus, les conclusions de cette enquête s’inscrivent dans la continuité du problème tel qu’il a été construit depuis la fin des années 1980. Il ressort en effet de l’enquête que les programmes qui sont les plus violents sont les programmes d’origine étrangère, notamment américaine, et ceux diffusés par les chaînes privées. Le choix et la mise en avant de ces indicateurs d’origine et de statut des diffuseurs prolongent directement les réactions critiques suscitées par les privatisations de chaînes de télévision. Le choix du registre scientifique retenu répond donc aux contraintes et aux attentes des acteurs du champ médiatique, qui, selon une « logique du précédent », privilégient les événements pouvant être rattachés au déjà-vu et déjà connu, c’est-à-dire les éléments qui permettent un traitement en partie routinisé de l’actualité (Champagne 1991 et 1993). Cette conformité des conclusions de l’enquête aux attentes qui lui préexistent témoigne d’une mise en équivalence directe - et conforme à la stratégie du CSA - entre problématisation sociale et problématisation scientifique, l’objet de la recherche étant déterminé par le débat public, par les « problèmes » et la « demande sociale » construits par les participants à ce débat.

L’argumentation scientifique est aussi fréquemment combinée ici avec d’autres logiques, voire évacuée à leur profit. À la limite, c’est une désolidarisation des éléments scientifiques et des préconisations qui s’opère. Dans son discours d’expertise, le CSA accorde ainsi une place significative à une sociologie spontanée, au sens commun. Le constat qui est présenté est avant tout quantitatif et les effets de la violence ainsi mise en évidence sont seulement affirmés et non démontrés. L’incertitude scientifique qui caractérise les recherches en matière d’effets - qui peut être résumée par l’affirmation selon laquelle « “dans certaines conditions, certains programmes (peuvent) exercer sur certains enfants” des effets négatifs en termes de comportement agressif » (Neveu 1989, p. 18)[9]- est rappelée par les responsables de l’institution mais elle est tranchée par ailleurs par l’opinion. Un représentant du CSA a ainsi déclaré, en mars 1996, après la publication de l’enquête, qu’« à la question “quels effets ont les images violentes sur les comportements réels, en particulier chez les enfants et les adolescents ?” », se substitue une autre question : « quelles mesures peuvent être mises en œuvre pour mieux contrôler la violence télévisuelle ? » (Fansten 1996, p. 91). À côté de leur discours à vocation scientifique, les responsables du CSA ont aussi eu recours à d’autres registres de conviction. C’est le cas notamment lorsque, pour affirmer la nécessité d’agir, ils évoquent les attentes de l’opinion[10], manifestées par les sondages selon lesquels les Français considèrent qu’il y a trop de violence dans les programmes télévisés, ou que, de la même façon, ces responsables renvoient à une actualité considérée comme explicite et évidente - les faits divers qu’auraient inspirés les programmes de télévision. Ces deux derniers exemples montrent comment la démarche scientifique est associée ici à des registres de conviction largement appuyés sur des logiques médiatiques. Une étude de la mise en œuvre des dispositifs élaborés à partir des analyses des effets permettrait de prolonger cette analyse en montrant que cette mise en œuvre fait, elle aussi, intervenir, et souvent primer, d’autres logiques que scientifique, et principalement des logiques économiques et institutionnelles, combinées au sens commun des acteurs en charge du contrôle[11].

Il ressort de ces différentes remarques que l’initative du CSA, incarnée par l’enquête de 1995, n’est ni une simple reprise d’analyses scientifiques en vue d’une instrumentalisation, ni une pure contribution désintéressée au débat scientifique mais témoigne d’une hybridation des processus de circulation sociale des savoirs. Si cette initiative relève d’une forme de participation au débat scientifique, elle est en même temps inscrite dans une stratégie institutionnelle de légitimation et de positionnement au sein d’un débat public. C’est cette stratégie qui est au principe même de l’initiative. Étudier la circulation des savoirs scientifiques nécessite donc de s’attacher autant aux modalités de cette circulation qu’à ses contextes d’actualisation. Les formes de la circulation sont en effet inséparables des logiques sociales qui la suscitent.

Bibliographie :

Baton-Hervé E., 1999, « Les enfants téléspectateurs. Prégnance des représentations médiatiques et amnésie de la recherche », Réseaux, « Les jeunes et l’écran », 17 (92-93), p. 203-217.

BourdieuP., 1976, « Le champ scientifique », Actes de la recherche en sciences sociales, 2-3, p. 88-104.

Bourdieu P., 1982, Ce que parler veut dire. L’économie des échanges linguistiques, Paris, Fayard.

Bourdieu P., 1997, Les usages sociaux de la science. Pour une sociologie clinique du champ scientifique, Paris, INRA Éditions (Sciences en questions).

Champagne P., 1991, « La construction médiatique des “malaises sociaux” », Actes de la recherche en sciences sociales, 90, p. 64-75.

Champagne P., 1993, « La vision médiatique », in P. Bourdieu (dir.), La misère du monde, Paris, Seuil (Libre examen - Documents), p. 95-123.

Conseil supérieur de l’audiovisuel, janvier 2003, Protection de l’enfance et de l’adolescence à la télévision, Paris, CSA (Les brochures du CSA).

Conseil supérieur de l’audiovisuel, novembre 1995, Enquête sur la représentation de la violence dans la fiction à la télévision, Paris, CSA (Les documents du CSA).

Fansten M., 1996, « Introduction », Cahiers de l’audiovisuel, « Télévision et violence », 7, p. 91.

Hamman P., Méon J.-M. et Verrier B., 2002, Discours savants, discours militants : mélange des genres, Paris, L’Harmattan (Logiques politiques).

Méon J.-M., 2003, « L’euphémisation de la censure. Le contrôle des médias et la protection de la jeunesse : de la proscription au conseil », thèse de science politique, université Robert Schuman - Strasbourg III.

Missika J.-L., 1995, « Mesure de la violence, violence de la mesure », Le Monde, 22 novembre 1995.

Neveu E., 1989, La télévision pour enfants. Éléments pour une sociologie du champ et des réceptions, document reprographié.

Royal S., 1989, Le ras-le-bol des bébés zappeurs. Télé-massacre, l’overdose ?, Paris, Robert Laffont (Essai et document).

Schramm W., 1965, L’influence de la télévision sur les enfants et les adolescents. Bibliographie annotée précédée d’un exposé sur le résultat des recherches, Association internationale des études et recherches sur l’information, Unesco.

Siméant J., 2002, « Friches, hybrides et contrebandes : sur la circulation et la puissance militantes des discours savants », in P. Hamman, J.-M. Méon et B. Verrier, Discours savants, discours militants : mélange des genres, Paris, L’Harmattan (Logiques politiques), p. 17-53.


[1] La signalétique audiovisuelle est une illustration directe de ce point. Les catégories de classement sur lesquelles elle repose visent ainsi les programmes qui peuvent « “heurter” les moins de dix ans », « “troubler” les moins de douze ans » ou qui sont « susceptibles de “nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral” des moins de seize (ou dix-huit) ans ». Il s’agit-là des catégories de la dernière version de la signalétique adoptée en novembre 2002 (Conseil supérieur de l’audiovisuel, janvier 2003). C’est nous qui soulignons.

[2] Les analyses présentées ici s’appuient en partie sur notre communication « Analyses de la réception et contrôle des biens symboliques : le recours paradoxal à la question des effets des médias », faite au colloque « Actualités des recherches en sociologie de la réception et des publics », organisé sous la direction scientifique d’Isabelle Charpentier (université de Versailles - Saint-Quentin-en-Yvelines) et de Lynn Thomas (London Metropolitan University), à Saint-Quentin-en-Yvelines, les 12, 13 et 14 novembre 2003 (actes à paraître). Plus généralement, nous nous appuyons ici sur notre travail de thèse (Méon 2003).

[3] Pour une discussion de ces termes, voir notamment Hamman et al. (2002) et plus particulièrement Siméant (2002).

[4]Ilnes’agitpas ici de prêter au champ scientifique des vertus qui seraient absentes des autres activités sociales. Il s’agit plutôt de prendre acte des caractéristiques propres du champ scientifique - et notamment son autonomie - qui conduisent les producteurs qui s’y opposent à agir selon un « intérêt au désintéressement », car l’accumulation du capital symbolique spécifique au champ scientifique repose sur la capacité à produire une recherche « désintéressée », c’est-à-dire déterminée par les seules logiques scientifiques. Sur ce point, voir Bourdieu (1976, p. 88-104 ; 1997, p. 24-25).

[5] Le Point, 24-30 octobre 1988.

[6] Nous nous appuyons ici sur une revue de presse réalisée par nos soins, à l’aide de la base de données Europresse, couvrant les principaux titres de la presse nationale française : L’Express, L’Humanité, La Croix, La Tribune, Le Figaro, Le Monde, Le Monde diplomatique, Le Point, Les Échos, Libération.

[7] Expression de Hervé Bourges, président du CSA, de 1995 à 2001.

[8] La dernière phrase est répétée quasiment à l’identique en guise de conclusion, p. 63. Il s’agit là des deux seules occurrences de ce registre normatif. C’est nous qui soulignons.

[9] L’auteur renvoie notamment sur ce point à Wilbur Schramm (1965), établissant ce constat à partir de son importante revue de la littérature.

[10] Par exemple : « - Pourquoi avez-vous lancé une telle enquête ? La violence à la télévision vous inquiète à ce point ? - “Elle inquiète les Français”. [...] ». Entretien avec Hervé Bourges, Le Point, 7 octobre 1995, p. 100. C’est nous qui soulignons.

[11] Pour des raisons de place, nous ne pouvons pas ici détailler cette mise en œuvre. Nous nous permettons de renvoyer à notre thèse, qui propose une telle analyse, appuyée sur une observation participante du contrôle des programmes effectué par le CSA.


Citer cet article : Jean-Matthieu Méon, « Le débat public sur les effets des médias : hybridation des processus de circulation des savoirs et porosité aux logiques extra-scientifiques », colloque Sciences, Médias et Société, 15-17 juin 2004, Lyon, ENS-LSH, http://sciences-medias.ens-lsh.fr/article.php3 ?id_article=73

 

 
     
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