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  ENS Lettres et sciences humaines Communication culture et société


Les représentations épistémologiques des documentalistes scolaires

Odile RIONDET
CRESAT, université de Haute-Alsace

 


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Mots clés : culture scientifique et technique, enseignement secondaire, didactique, recherche d’information, épistémologie des techniques.

 

Pendant longtemps, l’information scientifique et technique a joué un rôle important dans la vision que les documentalistes en général avaient d’eux-mêmes. N’était-ce pas un type d’information dont la diffusion s’apparentait à une mission ? Et ceci pouvait être entendu de plusieurs manières. D’abord dans une acception liée à la notion même de « société de l’information » comme « société postindustrielle » : la part des services croît dans l’économie, la recherche et le développement portent l’innovation, et l’information, en circulant, favorise la bonne décision dans des univers où la connaissance est dispersée entre plusieurs individus. Dans nos sociétés où la richesse se crée dans les services, la valeur économique se construit sur les brevets, les savoirs, le niveau de formation, la recherche (Foray 2000). Ainsi, il y aurait un rôle important, valorisant des professions documentaires qui, par les « services avancés » qu’elles proposent, sont un rouage des progrès de la recherche et de la compétitivité des pays (Lupovici 2000). Ensuite, dans une acception que l’on pourrait dire militante : une société de l’information est une société de l’information scientifique et technique, un triomphe de la pensée objective sur la pensée mythique ou affective. La documentation est tournée vers l’accumulation de la connaissance rationnelle. « Ainsi, la science de l’information entre bien dans la mouvance idéologique des sociétés industrialisées [...]. Elle est science de l’information scientifique, c’est-à-dire de l’information issue des laboratoires de recherche fondamentale ou appliquée, institutionnellement reconnue » (Blanquet 1997, p. 49) Les documentalistes scolaires participent de la configuration générale des documentalistes, et en même temps, ils sont pris dans un contexte éducatif, dans une problématique de formation des utilisateurs qui les rend intéressants pour notre propos. Peut-on repérer, à travers les discours de ces médiateurs non spécialisés, des représentations de ce que sont les sciences et les techniques ?

Questions de méthode

Le travail que je propose ici n’a pas d’autre ambition que d’être exploratoire. La question impliquait de confronter un corpus de textes de documentalistes avec un corpus de textes épistémologiques. Pour ce qui est de ces derniers, quatre ont été retenus : des ouvrages de Jacques Ellul, Jacques Habermas, Thomas S. Kühn et Jean-Claude Beaune. Pour ce qui est du corpus de textes de documentalistes, on a opté pour une recherche systématique dans les revues professionnelles et les congrès sur dix ans. Ce qui a procuré peu de textes : deux numéros spéciaux de revues et un congrès avaient abordé cette thématique. C’est une profession qui écrit peu, s’exprime beaucoup plus fréquemment sur le mode du récit d’expérience[1]. Seuls les textes écrits par les documentalistes ont été conservés.

Une recherche dans les archives des deux principales messageries professionnelles a permis de récupérer plusieurs dizaines de messages, mais aucun d’ordre réflexif : il s’agissait la plupart du temps de demandes concernant des abonnements à des revues scientifiques ou de recherches de sites spécialisés. Mais c’est dans ces messages que l’on a pu voir émerger chez les documentalistes la préoccupation de leur responsabilité en matière de transmission des savoir-faire documentaires. Ce qui a permis de revenir vers les revues pour y sélectionner six nouveaux articles, cette fois-ci de réflexion sur le documentaliste comme détenteur d’une compétence technique à propager. On peut donc avancer cette première proposition : jusque vers 2000, la préoccupation des documentalistes scolaires en matière d’information scientifique et technique pouvait être décrite en termes de vulgarisation. Ensuite, ils se sont essentiellement interrogés sur leur rôle en tant que détenteurs d’un savoir technologique qui serait porteur de l’esprit scientifique. Ainsi, la question de l’information scientifique et technique devient une question posée à leurs propres pratiques : les méthodes de recherche d’information qu’ils maîtrisent sont-elles déjà une initiation à l’esprit scientifique ? S’ils sont les promoteurs d’une certaine culture technique, quelle articulation celle-ci a-t-elle avec une culture scientifique ?

Savoir scientifique, culture technique et compréhension du monde

Les documentalistes d’établissements scolaires ont une difficulté fondamentale face aux sciences expérimentales : ils sont massivement de formation littéraire. Dans quelle mesure peuvent-ils donc ouvrir des accès à l’information scientifique et technique ? Les disciplines scientifiques, de leur côté, requièrent un travail d’expérimentation qui n’implique pas de compétences documentaires. Mais la validation par l’expérience ou la démonstration n’empêche pas les enseignants de physique, chimie, biologie ou sciences de la vie et de la terre de se situer dans une perspective « abstraite ». « La hauteur du prestige des matières scientifiques passe en partie par leur degré d’abstraction ; les professeurs, surtout en sciences physiques, sont formés sur cette base et la référence aux applications n’est que rarement conduite jusqu’à l’étude des conséquences environnementales de la mise en œuvre d’une technique » (Souchon 1994, p. 42). Autrement dit : expérimentation et abstraction sont une manière pour les enseignants de se constituer en une sorte de caste inaccessible et empêchent d’évoquer les conséquences sociales des sciences.

Les documentalistes sont sollicités lorsqu’il s’agit d’aider les élèves en difficultés (Vieilledent 2000, p. 16-18), accompagner les sorties dans les musées scientifiques des classes littéraires ou difficiles (Imbert 2004, p. 60), car il n’y a que ces dernières que l’on tente d’intéresser par des méthodes actives : avec les autres, les choses sérieuses et les raisonnements pertinents sont possibles. Le travail concerté reste également à la périphérie de la discipline. Ainsi en est-il d’une expérience relatée en mathématiques : la coopération a porté sur l’histoire des mathématiques, la place des statistiques dans les sciences humaines et la lecture des tableaux (Desgranges 2004, p. 61-62). La justification de la démarche prend des accents pionniers : « L’épistémologie des mathématiques va entrer dans les programmes de cette manière. C’est tant mieux, et pour les enseignants de cette discipline moins austère qu’il n’y paraît, et pour les documentalistes enfin éclectiques culturellement, et pour les élèves qui, même fâchés avec les équations, aimeront aller au CDI pour des recherches sur les mathématiques » (Vieilledent 2000, p. 16).

Aujourd’hui, l’existence de dispositifs interdisciplinaires d’enseignement, donne en partie raison à cette perspective. Par exemple, l’enseignement des sciences doit se croiser avec d’autres disciplines, s’intégrer dans des débats sur la citoyenneté, la responsabilité en matière de paysage, de pollution ou de nuisances (Souchon 1994, p. 41). Un travail sur le sucre en chimie se développera en parallèle avec l’histoire du sucre, son industrie, autant que l’apport alimentaire des glucides et les édulcorants. Et lorsque les questions scientifiques débouchent sur les applications et les conséquences sociales des découvertes, la documentation retrouve une place possible : l’aide à la construction du lien entre les savoirs scientifiques et le reste de la culture. C’est ce que proclame le colloque de la Fadben : « La finalité de la vulgarisation est vue comme une responsabilisation des citoyens, les documentalistes ayant, dans la sphère de l’éducation informelle, un rôle à jouer dans les modes d’acquisition des connaissances et l’appropriation des savoirs par les élèves » (Koenig 1995).

Quel croisement pourrait-on suggérer entre ces propositions et les ouvrages théoriques précités ? On retiendra tout d’abord l’affirmation que les sciences sont « abstraites », et que cette abstraction serait une obligation peut-être moins disciplinaire que sociale : plus on est abstrait mieux on est considéré. Il faut donc faire la preuve de son abstraction pour être respecté. On peut lire dans cette proposition un écho du débat sur l’articulation entre les savoirs théoriques et les savoirs pratiques, le regret exprimé d’une « dévalorisation » des pratiques - notamment des techniques et de tout ce qui est orienté vers l’action - par rapport aux sciences abstraites et orientées vers la compréhension. Jacques Habermas, avec bien d’autres auteurs, renvoie à l’Antiquité grecque : la théorie est contemplation du cosmos. Elle suppose « une coupure avec l’être et le temps » (Habermas 1973, p. 134). Si les documentalistes ont peu lu Habermas, ils connaissent par contre souvent Pierre Bourdieu et ont retenu avec lui qu’il est nécessaire de « penser vraiment ce qui reste pratiquement inaccessible à toute pensée scolastique qui se respecte : la logique de la pratique » (Bourdieu 1997, p. 64). On notera cependant des incohérences dans l’argumentation. Car ils reprochent simultanément aux enseignants d’être « abstraits » et de se conduire en « techniciens » de l’enseignement de leur discipline (Souchon 1994, p. 42).

Derrière la question de l’abstraction d’une science, il y a son mode d’analyse du réel. Et il est clair qu’ici, il n’est pas pensé. Les travaux en histoire des sciences de Thomas S. Kühn donneraient-ils raison aux documentalistes lorsqu’ils insistent sur l’importance de la mise en perspective historique ? Son analyse du fonctionnement des groupes de scientifiques amènerait à nuancer la représentation des enseignants documentalistes en matière d’abstraction et de théorie. Ce sont les petits groupes hyperspécialisés qui sont les lieux d’éclosion des « révolutions scientifiques », des groupes concentrés sur leur logique.

La science est-elle la technique ?

Aujourd’hui « l’opposition grecque entre une “épistèmè” contemplative, désintéressée et une “technè” utilitaire, active, débrouillarde et pratique ne nous parle plus » (Séris 1994, p. 202). Mais pour autant, la science est-elle maintenant devenue technique et la technique science ? Les documentalistes scolaires ont tendance à rendre les deux réalités équivalentes. Ainsi, le documentaliste proposera ses compétences techniques d’accès aux informations scientifiques et il postulera qu’une démarche systématique de recherche d’information permet d’acquérir un état d’esprit commun à toute approche scientifique ou technique.

Par exemple, reprendre avec les élèves d’un lycée technique tout le fonds sur la mécanique oblige à des choix sur les contenus, entraîne à des opérations intellectuelles caractéristiques, comme de catégoriser les documents - manuels, synthèse illustrée, loisirs -, construire une représentation du champ disciplinaire et des sous-ensembles qui le composent. C’est nécessaire, puisque « dans le domaine technique comme ailleurs, avoir accès à la documentation, c’est avoir accès seul au savoir » (Bordet 2001, p. 58). De plus, le fait d’aller avec les élèves jusqu’à décrire les documents avec un thésaurus leur fait toucher du doigt les problématiques de description du réel par des mots. Ils apprivoisent et relativisent le langage, entrent dans sa dimension intersubjective : « Une documentation technique est un moyen d’organiser le réel et non de dominer l’autre » (idem, p. 59).

Si le contenu scientifique peut paraître faible, l’acquis est garanti par l’activité de l’élève : ce qu’il a compris, il le conservera, parce que c’est lui-même qui l’a construit. « L’élève individu bâtit son propre savoir, il est un acteur. Ses savoirs seront d’autant plus solides qu’il pourra les étayer dans un environnement culturellement riche. Le rôle du documentaliste est à positionner dans ce contexte, en interrelation avec l’enseignant, pour aider l’élève à avoir les stratégies d’accès et d’utilisation de l’information dont il a besoin » (Fadben 1994).

Cette proposition repose sur un diagnostic : les difficultés majeures des élèves sont d’ordre méthodologique. Il est difficile de poser des questions autour du thème, de prendre des notes, de repérer une information dans un texte. Les documentalistes trouvent ici leur place, car « ils sont beaucoup plus libres dans le jeu à la fois social et pédagogique. Et ils peuvent potentiellement intervenir dans un champ inexploré pour le moment, celui de la constitution de langages documentaires de transfert, de reformulation d’un savoir vers un autre, en une écologie pédagogique » (idem).

La documentation devient alors « une discipline à part entière » (idem) et le CDI retrouve son véritable rôle qui est d’apprendre à se poser des questions : il est le lieu où se construit la curiosité, un rapport libre à la connaissance. Il est lui-même à la fois une technique - la recherche documentaire et les techniques documentaires -, une méthode, une incitation à l’ouverture d’esprit et une sorte de science transversale.

En sortant du monde scolaire, on peut faire référence aux travaux de Marie-France Blanquet, qui revendique l’existence de « sciences et techniques documentaires ». On lit ainsi dans l’ouvrage Science de l’information et philosophie : une communauté d’interrogations que « le système de Comte se vérifie [...] avec l’apparition de sciences extrêmement complexes et transdisciplinaires telles que les sciences de la connaissance ou sciences cognitives [...] ou dans la science de l’information et de la documentation qui nous intéresse ici » (Blanquet 1997, p. 7). Cette dernière s’intéresse - comme la philosophie d’ailleurs - aux conditions d’acquisition des savoirs, à l’intelligence et à la mémoire. Pourquoi un homme cherche-t-il à savoir, comment procède-t-il et qu’espère-t-il avec le progrès scientifique et technique ? La réponse est clairement positiviste : « La pensée rationnelle partagée par tous les hommes les conduit dans une communication intellectuelle authentique et instaure un accord des hommes à l’unisson de leurs idées » (idem, p. 122). Ainsi « La technique achevée entraîne l’homme dans un monde reconstruit où le confort et le bien-être dus aux sciences et aux technologies, partagées par tous les hommes, permettent de mettre fin aux causes de leurs désaccords et donc de les réunir à l’unisson de leur bonheur » (idem, p. 122)

On peut, certes, retrouver en partie chez Jacques Ellul (1990) quelques éléments qui aideraient à comprendre les positions des documentalistes. Si antérieurement on pouvait avoir l’impression que la science précédait la technique, aujourd’hui, on a le sentiment inverse : c’est la technique qui dicte à la science les applications nécessaires, les objectifs des recherches. Mais il ne dit nulle part que la science est devenue une technique, même si notre milieu est devenu profondément technique. Et surtout, Ellul insiste sur l’aspect totalement « amoral » de la technique, qui n’a pas d’autre logique qu’elle-même et dont il décrit les effets pervers. On retiendra plutôt l’approche de la technique comme d’une « caractérologie » aux processus mentaux caractéristiques, entre rationalité et artificialité.

Une définition de la connaissance

Si l’épistémologie est l’« étude critique des principes, des hypothèses et des résultats des diverses sciences, destinée à déterminer leur origine logique - non psychologique -, leur valeur et leur portée objective » (Lalande 1997, p. 293), on ne peut oublier, travaillant en milieu scolaire, l’acception du terme chez prénom ? Piaget notamment, où l’épistémologie désigne une théorie de la connaissance.

Les définitions de la connaissance utilisées par les documentalistes répercutent des propositions de l’institution scolaire[2]. Dans les nouveaux programmes du lycée, en physique et en chimie, les propositions d’intégration des TICE s’intéressent aussi à la recherche documentaire[3] et les commentaires du programme de Troisième insistent sur l’insertion des sciences expérimentales dans une dimension de responsabilité[4]. On trouvera ainsi des sites complets recensant des activités documentaires autour de ces principes[5]. On voit s’esquisser à travers leur didactique une définition de la connaissance à laquelle les documentalistes participent.

La connaissance se construit et c’est l’élève qui la construit. Or, comme la documentation ne propose pas de programme, mais une démarche personnelle de recherche et d’utilisation de l’information, l’élève est convié « à la recherche de ses propres remédiations » (Duplessis 2001, p. 8). Les pairs sont aussi importants que l’enseignant. Le visage de l’enseignant se transforme, le documentaliste en est le prototype[6] : il se définit comme le lieu d’une relation différente, centrée sur l’élève et sa démarche, et non sur le savoir.

La connaissance s’acquiert à travers des outils qui servent de filtre à la pensée. Les moyens technologiques sont les outils à travers lesquels on apprend : les connaissances acquises sont celles favorisées par le média. Ce qui n’est nullement une limitation, puisque l’apprentissage repose ainsi « sur une base matérielle moderne » (Gurly 2001, p. 43). Le lien avec la technologie informatique permet d’ailleurs un retour réflexif sur notre pensée, puisque le travail intellectuel s’effectue sur le mode du traitement de l’information. « Il n’est pas impossible de penser que les progrès constants des technologies d’analyse et d’imagerie médicale fonctionnelle conduiront à une meilleure connaissance des modes de pensée, des opérations mentales, des modes de traitement de l’information par le cerveau. Ces connaissances nouvelles [...] devraient progressivement devenir une aide précieuse pour guider élèves et enseignants dans un travail qui porte autant sur les processus intellectuels que sur l’appréciation d’une production finale[7] ».

On connaît selon une méthode, des procédures intellectuelles transversales, comme la formulation d’un thème d’interrogation, le repérage d’informations explicites ou implicites dans un texte, leur réorganisation, la cohérence logique des systèmes de classement et des rubriques, la comparaison de définitions, etc. « Trop souvent désignés comme techniques ou “simple” méthodologie, les savoirs documentaires sont pourtant la condition de l’appropriation de savoirs disciplinaires dans une démarche de recherche » (Boubée 2001, p. 79-80).

La connaissance est l’exercice d’un regard. « Conduire à son terme une pédagogie du questionnement critique, fondatrice des savoirs, constitue désormais le lot quotidien de l’interdiscipline documentaire » (Gurly 2001, p. 47). L’important serait que « toutes les disciplines aient une base documentaire et un « branchement » sur les « capacités d’information ». Elle propose non des contenus a priori, mais un processus pour résoudre des questionnements incessants, car la science n’est jamais close.

Une connaissance est moins interprétée que reformulée, elle implique des compétences lexicales : il faudra à partir d’un thème, faire varier ses facettes possibles[8]. L’information récupérée est une série de petites unités à combiner qu’il faudra « digérer » : « Il s’agit de sélectionner, de comprendre, de synthétiser chaque parcelle d’informations afin de se les approprier comme éléments constitutifs de la personnalité et de la culture intrinsèque de chacun » (Gurly 2001, p. 42).

Sans reprendre la totalité de ces propositions, nous reviendrons avec Jacques Habermas sur l’argument du « questionnement critique » dont le CDI serait le lieu face à la science. Pour cet auteur, les sciences expérimentales et les techniques ont pour point commun des objectifs d’efficacité. Le recul viendra donc d’autres disciplines. La construction critique est une compétence particulière de raisonnement - philosophique, économique, sociologique ou politique la plupart du temps. Elle s’appuie sur leurs concepts, leurs méthodes, leur mode argumentatif. Pour Habermas, la logique des sciences et des techniques n’est précisément pas celle de l’autoréflexion (Habermas 1973, p. 145-150). Une technique, pas plus la technique documentaire qu’une autre, ne peut revendiquer l’apport d’un regard critique et ce n’est pas une méthode qui permet la critique, mais des concepts actifs.

Conclusion

Les documentalistes ne sont pas de formation scientifique. De par leur fréquentation des ordinateurs, ils ont plutôt une culture technique et sont fortement orientés vers l’action, au détriment de la réflexion abstraite. Ils ne peuvent offrir qu’un processus de recherche et non un sujet de préoccupation. Est-ce que cela ne fait pas beaucoup de handicaps lorsque l’on est censé être médiateur de la culture scientifique et technique ? Ils ont tendance alors à rendre analogue la science et la technique : la formation à l’esprit technicien, porté par la recherche documentaire, sera proposée comme prototype de toute pensée rationnelle, la science étant assimilable à la rationalité, une rationalité insatiable, toujours portée vers d’autres questions. On peut alors interroger cette représentation à travers l’affirmation de Jean-Claude Beaune : la technique nous fait heurter à une sorte d’étrangeté indomptable ; elle nous confronte à la mort. C’est pourquoi la pensée moderne, notre pensée technologique, est, affirme-t-il une sorte de « pensée sauvage », au sens de Claude Lévi-Strauss (Beaune 1998, p. 65). Tout individu intègre une technique dans une construction de sens qui serévèle toujours être un bricolage d’éléments hétérogènes tenus solidaires par l’expérience autant que par le raisonnement logique. On a pu lire chez les documentalistes scolaires le désir de reconnaissance, l’exploration de ce qui est pour eux le mouvement de la pensée, les refus et les renoncements en matière de théorisation, la préférence pour l’action et la relation. Contrairement à leurs représentations parfois positivistes, ce sont ces attitudes humaines, vécues dans la circonstance particulière de leur mission de promoteur des technologies de l’information dans l’établissement scolaire, qui fondent en quelque sorte leur « épistémologie » propre, leur manière de se donner une compréhension de la technique et une définition de la connaissance.

 

Sites (visités le 31 août 2004) :

Activités liées à un ordinateur (TICE) :
http://www.educnet.education.fr/phy/themes/tice.htm

Activités documentaires :
http://www.educnet.education.fr/phy/themes/doc.htm

Les programmes :
http://www.savoirscdi.cndp.fr
http://www.educnet.education.fr/phy/lycee/default.htm

Usages d’Internet au CDI :
http://www.educnet.education.fr/phy/lycee/default.htm
http://www.educnet.education.gouv.fr
http://pedagogie.ac-toulouse.fr/sc_phy
http://docsdocs.free.fr
http://www.inrp.fr/Tecne/adipc/adipc-index.htm

Listes Edoc et CDIdoc :
https://listes.cru.fr/wws/arc/cdidoc-fr/
enseignants-documentalistes@cru.fr

 

Bibliographie :

Beaune J.-C., 1998, Philosophie des milieux techniques, Seyssel, Éditions Champ Vallon (Milieux).

Blanquet M.-F., 1997, Science de l’information et philosophie : une communauté d’interrogations, Paris, ADBS (Sciences de l’information, série Études et techniques).

Bocquet A., 2000, « Encore CDI et sciences physiques... ou l’histoire d’un transfert », InterCDI, 165, CEDIS, académie de Versailles.

Bordet G., 2004, « De l’usage du document dans un lycée technique », Argos, 13, CRDP, académie de Créteil.

Boubée N., 2001, « Savoirs et pratiques documentaires : avancées ou impasses ? », Argos, 27, CRDP, académie de Créteil.

Bourdieu P., 1997, Méditations pascaliennes, Paris, Seuil (Liber).

Braun J.-P., 2001, « Les enjeux d’une profession qui se cherche encore », InterCDI, 172, CEDIS, académie de Versailles.

Bulletin Officiel,6, 12 août 1999.

Bulletin Officiel, 4, 22 juillet, 1999.

Desgranges N. , 2004, « Mathématiques et/ouCDI »,Argos,13,CRDP,académiedeCréteil.

Duplessis P., 2001, « L’évaluation diagnostique. Vers une didactisation des apprentissages documentaires », InterCDI, 171, CEDIS, académie de Versailles.

Ellul J., 1990, La technique ou l’enjeu du siècle, Paris, Economica (Classiques des sciences sociales), rééd. 2001.

Eteve C., Maury Y., 2001, « TPE : une occasion de re-penser l’éducation à l’information », Argos, 27, CRDP, académie de Créteil.

Fadben, 1994, Du chercheur à l’élève, quels documents, quelle médiation ?, colloque de la Fédération des associations de documentalistes et bibliothécaires de l’Éducation nationale (Fadben), 29 octobre 1992, Paris, Cité des Sciences et de l’Industrie.

Foray D., 2000, L’Économie de la connaissance, Paris, La Découverte (Repères).

Gurly A., 2001, « La documentation, nouvelle discipline d’enseignement ? », InterCDI, 172, CEDIS, académie de Versailles.

Habermas J., 1973, La technique et la science comme idéologie, Paris, Gallimard (Essais).

Imbert A., 2004, « Des documentalistes aux musées des sciences », Argos, 13, CRDP, académie de Créteil.

Information et documentation en milieu scolaire, Groupe Établissements et vie scolaire de l’IGEN, http://savoirscdi.cndp.fr/Metier/metier/documentIG.pdf

Koenig M.-H., 1995, Du chercheur à l’élève, quels documents, quelle médiation ?, compte rendu du colloque de la Fédération des associations de documentalistes et bibliothécaires de l’Éducation nationale (Fadben), Cité des Sciences et de l’Industrie, Paris, 29 octobre 1992, Bulletin des bibliothèques de France, 40 (3).

Kühn T. S, 1972, La structure des révolutions scientifiques, Paris, Flammarion (Nouvelle bibliothèque scientifique).

Lalande A., 1997, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, t. 1, Paris, PUF (Quadrige).

Lupovici C., 2000, « De la bibliothèque classique à la bibliothèque numérique. Continuités et ruptures », Documentaliste - Sciences de l’information, 37 (5-6).

Masiuk N., 2000, « CDI et sciences de la vie et de la terre, un exemple de collaboration possible », InterCDI, 165, CEDIS, académie de Versailles.

Pirat B., 2002, « Enseigner et évaluer les compétences documentaires. Un objectif possible du carnet de bord des TPE », InterCDI, 180, CEDIS, académie de Versailles.

Regnault L., Henry S., 2000, « CDI et sciences physiques au collège. C’est possible... et ça marche ! », InterCDI, 165, CEDIS, académie de Versailles.

Séris J.-P., 1994, La technique, Paris, PUF (Les grandes questions de la philosophie).

Souchon C., 1994, « À quoi pourrait servir la culture scientifique ? Le cas de l’éducation à l’environnement », Argos, 13, CRDP, académie de Créteil.

Vieilledent M.-J., 2000, « Professeur de mathématiques et documentaliste. Un travail interdisciplinaire », InterCDI, 165, CEDIS, académie de Versailles.


[1] C’est particulièrement remarquable dans le dossier « La culture scientifique et technique, accès et enjeux » , Argos, 1994, 13, CRDP, académie de Créteil ; dans le dossier « Quand les sciences entrent en force au CDI », InterCDI, mai-juin 2000, 165, CEDIS, académie de Versailles ; au colloque de la Fédération des associations de documentalistes et bibliothécaires de l’Éducation nationale (Fadben), Du chercheur à l’élève, quels documents, quelle médiation ?, Paris, Cité des Sciences et de l’Industrie, 29 octobre 1992 (Fadben 1994).

[2] On peut se reporter notamment aux textes d’accompagnement des programmes de chimie de Seconde, où l’on trouve des objectifs documentaires comme la recherche de données ou de compléments d’informations sur le site http://www.educnet.education.fr/phy/lycee/default.htm

[3] Bulletin Officiel, hors-série, n° 6, 12 août 1999.

[4] Bulletin Officiel, n° 4, 22 juillet, 1999.

[5] http://www.inrp.fr/Tecne/adipc/adipc-index.htm

[6] « Placer l’élève au pied du mur, devant un obstacle construit à sa mesure [...] c’est l’obliger à se retourner vers l’autre : un pair ou cet enseignant “qui lui fait signe” » (Duplessis 2001, p. 11).

[7] Information et documentation en milieu scolaire, Groupe Établissements et vie scolaire de l’IGEN, p. 14, http://savoirscdi.cndp.fr/savoirscdi/Metier/ metier/documentIG.pdf

[8] Exemple donné de questionnement sur le sucre : « Quel(s) autre(s) mot(s) plus “chimique(s)” désigne(nt) les sucres, donner le nom et la formule brute d’au moins quatre molécules de “sucre” ? », « Quels sont les éléments chimiques contenus dans ces molécules, ces molécules sont-elles planes ? », « Pouvez-vous expliquer pourquoi elles ne peuvent pas l’être ? », « Quelles structures particulières observez-vous sur certaines de ces molécules ? », « Quel est le nom “chimique” du sucre que nous consommons couramment ? » http://www.inrp.fr/Tecne/adipc/exs/exs-sucres-01.htm


Citer cet article : Odile Riondet, « Les réprésentations épistémologiques des documentalistes scolaires », colloque Sciences, Médias et Société, 15-17 juin 2004, Lyon, ENS-LSH, http://sciences-medias.ens-lsh.fr/article.php3 ?id_article=62

 

 
     
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