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  ENS Lettres et sciences humaines Communication culture et société


Les transformations des rapports entre sciences et société en France depuis la Seconde Guerre mondiale : un essai de synthèse

Christophe BONNEUIL
CNRS, centre Koyré d’Histoire des Sciences et des Techniques

 


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Mots-clés : science et société, science et État, science et marché, science et espace public.

 

Cette communication propose une lecture synthétique des transformations des rapports entre recherche, innovation, État, marché et espace public au cours des dernières décennies - par la suite on dira « science et société » par simplification, tout en gardant à l’esprit que les sciences sont plurielles et qu’il n’y a pas entre « science » et « société » deux entités séparées, puisque l’activité scientifique est une activité collective exercée en un lieu et en un temps, donc une activité sociale. Une telle entreprise est forcément périlleuse. Premièrement, la synthèse est prématurée alors que certains événements - comme la controverse sur les OGM ou la mobilisation des chercheurs et les États généraux de la recherche de 2004 - sont encore chauds, que les archives ne sont pas toutes accessibles et que bien des aspects, des groupes, des institutions et des périodes clés n’ont pas encore fait l’objet de monographies solides. Se pose ensuite la question de ce que l’on prétend couvrir sous le terme de « sciences » : mon propos se limitera ici aux activités de recherche professionnalisées relatives au monde biologique et physique - mathématique, physique, chimie, sciences de la vie et de la terre -, en laissant de côté les sciences humaines et sociales. La troisième difficulté est celle des multiples facettes à prendre en compte dans un panorama synthétique : les transformations des objets et concepts scientifiques, celles des modes de production et de régulation des savoirs, celles des institutions et des milieux scientifiques - sociabilités, formes partenariales, organisation du travail, formes d’engagement public des chercheurs, etc. -, mais aussi celle des médias et des productions culturelles dans leur diversité - du journal télévisé au musée, en passant par la science-fiction ou la publicité -, celle des opinions et des représentations, ou encore la trajectoire de multiples dossiers dans un espace public mosaïque et changeant, etc. Une telle synthèse devrait donc mobiliser non seulement les perspectives de l’histoire sociale et culturelle des sciences qui constitue mon ancrage, mais aussi celles des sciences de la communication, des sciences politiques, des sociologies de l’innovation, de l’État, du risque, de l’action collective, des cultural studies et de l’anthropologie de la modernité, qui me sont moins familières.

Cet essai de synthèse dégagera quatre périodes - les Trente Glorieuses, la décennie post 1968, les années 1980, les quinze dernières années - à partir des évolutions souvent simultanées d’un ensemble de facteurs : les rapports entre science et État ; les rapports entre recherche, innovation et marché ; les rapports entre science, expertise et décision ; l’espace public de la science et des innovations ; le statut social et les formes d’engagement public des chercheurs.

La « société du progrès » : science et société pendant les Trente Glorieuses (1944-1968)

Au sortir de la guerre, les nouvelles élites politiques et scientifiques sont issues en grande partie de la Résistance - c’est ainsi que l’on confie la direction du CNRS à Frédéric Joliot-Curie, président du Front national, organisation de la résistance intérieure - et partagent, des gaullistes aux communistes, une expérience et des valeurs communes. Elles ont appris à travailler selon des logiques de mobilisation, dans des projets liant chercheurs, ingénieurs, militaires et industriels, logiques qui sont réactivées après la guerre sous le slogan de la « bataille de la production » (Dahan, Pestre 2004). Elles partagent le sentiment d’une faillite de leurs aînés, et des élites économiques et politiques de l’avant-guerre, jugées responsables de la défaite de 1940 et du déclin de la France sur l’échiquier mondial. À présent, l’urgence est donc pour elles à la modernisation du pays, une modernisation que seul un État éclairé par la science et intervenant fortement dans les champs économique et social leur semble à même de conduire - d’où les nationalisations dans plusieurs secteurs clés, dont l’énergie, et la planification. Cette vision du rôle de l’État dans l’accouchement d’une nouvelle société prolonge celle des courants « modernisateurs » portés par les « technocrates » du Front populaire, puis de Vichy (Kuisel 1984). Une continuité qui se retrouve dans la genèse progressive des politiques et des institutions scientifiques. Vichy maintient le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) - en privilégiant la recherche appliquée - et crée de nombreux établissements : l’Institut national d’hygiène - futur Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) - et la fondation Alexis Carrel - ancêtre de l’Institut national d’études démographiques (INED) - en 1941, l’Office de recherches scientifiques coloniales - futur Institut de recherche pour le développement (IRD) - en 1942, les instituts du futur Centre international de recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et l’Institut français de recherche sur le pétrole en 1943, le Centre national d’études des télécommunications - CNET - en 1944, etc. La Libération y ajoutera notamment le Commissariat à l’énergie atomique - CEA - en 1945 et l’Institut national de la recherche agronomique - INRA - l’année suivante (Picard 1990).

Si la recherche finalisée se taille la part du lion sous Vichy et à la Libération, la recherche plus fondamentale ne tarde pas à bénéficier du mouvement : essor de la biologie moléculaire et cellulaire et de la génétique au CNRS, irrigation de l’ensemble de la physique par la commande militaire et nucléaire, création de la Direction générale de la recherche scientifique et technique - DGRST - en 1958, accroissement du nombre de chercheurs ou ingénieurs des organismes et d’enseignants du supérieur, de quelques milliers en 1944 à près de 100 000 vers 1970. Entre 1958 et 1968, la recherche et l’innovation passent de 2,46 % à 6,2 % du budget de l’État. Sous un régime général souvent qualifié de « colbertiste », au sens où un État entrepreneur industriel et social en est le centre d’impulsion, s’effectue alors un essor remarquable de la science française, marqué par une pluralité de logiques d’organisation : la « République des savants » - CNRS et universités -, les entrepreneurs de science - Yves Rocard à Paris, Charles Sadron à Strasbourg, Louis Néel à Grenoble, etc. -, la recherche étatique à vocation industrielle - CEA, CNET, INRA, etc. -, la logique planiste - DGRST - (Jacq 1996).

Cet essor de la recherche est un aspect d’une ascension beaucoup plus large des détenteurs de compétences techniques dans la société : poids accru des ingénieurs dans la direction des entreprises, au détriment des patrons détenteurs du capital ancienne manière, ascension des « techniciens » - ingénieurs, physiciens nucléaires, énarques, etc. - dans la haute administration ou dans le personnel politique, création d’une Ve République qui émancipe les technocrates modernisateurs des pesanteurs parlementaires (François 2001). Ces années de l’après-guerre sont en effet marquées par une foi profonde dans la science et la technique, déployées dans une culture de mobilisation héritée de la guerre. De la production de vaccins à celles de variétés sélectionnées de plantes, en passant par les technologies de l’armement ou le screening de molécules chimiques pour la pharmacie, les décideurs politiques et économiques ont la conviction que la recherche, organisée à grande échelle, « viendra à bout de n’importe quelle difficulté et conduira à la solution de tous les problèmes, y compris les problèmes sociaux » (Pestre 2003).

Comment caractériser l’organisation de l’expertise, entre science et décision, à cette époque ? Que l’on regarde les commissions du Plan, la commission Péon - sur la production d’électricité d’origine nucléaire, créée en 1955 -, la commission régulant le génie génétique - commission de classement des expériences de recombinaison génétique in vitro, auprès de la DGRST, 1976 -, ou le Conseil supérieur d’hygiène publique de France auprès du ministère de la Santé, des traits communs se dégagent. Le premier est la forte consanguinité, dans plusieurs secteurs, entre les acteurs effectuant la recherche, les acteurs orientant la politique de recherche, les acteurs industriels développant les applications, et les acteurs étatiques régulant les risques et le marché (on pense à l’emprise des X-Mines sur le secteur de l’énergie, des ingénieurs agronomes sur le secteur agricole, etc.). Une seconde caractéristique est l’enchâssement de l’activité d’expertise dans un processus de décision qualifié de « technocratique » (Restier-Melleray 1990) ou de « technopolitique » (Hecht 1998), qui s’opère au sein des directions ministérielles et des directions des grandes entreprises nationales. Si l’orientation des choix scientifiques et techniques se joue entre chercheur, décideur économique et décideur politique, tous trois sont issus des mêmes formations et partagent les mêmes valeurs.

Dans une sorte de compromis fordiste[1], la société civile adhère largement à cet impératif de la modernisation, dont la conduite est déléguée au triangle chercheur-décideur, économique-décideur et politique. En retour, les Français accèdent à la consommation d’une foule de nouveaux produits technologiques : l’électricité et les appareils domestiques, le téléphone, la télévision, les antibiotiques et autres progrès médicamenteux, la sécurisation médicale de l’accouchement, la mobilité individuelle - automobile -, etc. Cette adhésion délégative au « progrès » s’inscrit dans un pacte social plus large, par lequel un État fort et dirigiste assure, dans un contexte de forte croissance, une amélioration importante des standards de vie des couches populaires et moyennes. Ainsi, plusieurs groupes sociaux (ouvriers des entreprises nationales, femmes, « jeunes agriculteurs », etc.) embrassent la modernisation scientifique et technique comme facteur de promotion sociale et de redéfinition identitaire (Muller 1984, Ross 1998). À cela s’ajoutent un partage de la valeur ajoutée - plus favorable au travail pendant les Trente Glorieuses que dans le dernier quart de siècle -, une sécurisation de la vieillesse et de la maladie - Sécurité sociale - et une généralisation de l’emploi « à vie » qui suscitent une vision favorable de l’avenir et une adhésion au projet de modernisation proposé par les institutions scientifiques et techniques. Dans quelques cas, lorsque certaines fractions de la société résistent aux desseins de l’État technicien, celui-ci, certain d’être détenteur du futur et de l’intérêt général, sait se montrer autoritaire, comme par exemple face aux oppositions locales à la construction du barrage hydroélectrique de Tignes, entre 1946 et 1952, au point que Robert L. Frost évoque une « guerre culturelle » entre fractions modernisatrices et fractions traditionnelles de la société française (Frost 1985).

La recherche et la technologie sont en outre investies, dans un contexte de décolonisation, d’une fonction de restauration de la grandeur menacée de la France - par exemple, la dissuasion nucléaire. « Nous vivons un temps, note ainsi de Gaulle en 1958, où des forces gigantesques sont en train de transformer le monde. Sous peine de devenir un peuple périmé et dédaigné, il nous faut dans les domaines scientifique, économique et social évoluer rapidement » (discours du 4 septembre 1958, cité par Wieviorka 1992, p. 717). Dans ce contexte, la présence de la science et de la technique dans l’espace public est surdéterminée par une logique de mobilisation pour le redressement national et de construction d’une identité nationale positive. L’historienne américaine Gabrielle Hecht (1998) a montré comment l’aventure nucléaire française participe de ce projet politique et raconte comment l’échangeur de chaleur de la première centrale nucléaire française traversa la France, peint en bleu, blanc et rouge, s’arrêtant de ville en ville pour faire l’objet de discours célébrant le génie scientifique national. Quelques années plus tard, l’affiche de la fête de L’Humanité met en exergue une double hélice de l’ADN aux couleurs bleu, blanc et rouge.

Les années 1968-1980 : le « progrès » questionné

Après la période gaulliste, l’engagement de l’État en faveur de la recherche se fait plus regardant. La vision linéaire des liens entre recherche et croissance, selon laquelle plus de recherche de base amènerait plus d’innovation générant plus de croissance, qui s’était imposée aux politiques à la faveur du colloque de Caen de 1956 (Duclert 1998) et de l’engagement de savants dans l’appareil gaulliste, ne fait plus recette. Le Japon n’émerge-t-il pas comme concurrent industriel alors que sa recherche de base est limitée ? Après l’ère des grands projets et de la big science de la guerre froide, ne faudrait-il pas limiter la générosité publique aux recherches valorisables en terme de compétitivité des entreprises françaises ? Ce virage engagé à la fin de la période gaulliste, qui a pour conséquence une stagnation des crédits publics, témoigne d’une évolution vers un cadrage plus « utilitariste » de la recherche, que l’on retrouve dans l’ensemble des pays de l’OCDE autour de 1970, et qui s’accentuera après la crise pétrolière (Boy 1999).

Questionné par les décideurs et les économistes libéraux, le modèle de l’« État savant » est également contesté par la génération post 1968. C’est ici la linéarité de la relation entre technologie, croissance et bien-être qui est critiquée. La Confédération fédérale du travail - CFDT - (1977) parle des « dégâts du progrès », tandis que se développe dans les milieux intellectuels une critique de la technocratie, du pouvoir de la technique, du scientisme, du projet des Lumières, de la raison instrumentale (Mumford, Ellul, Habermas, Foucault, Illich, etc.). La politisation estudiantine des années 1960 a produit un militantisme de type nouveau chez les jeunes chercheurs et universitaires, dont un nombre important adhère au gauchisme, et qui prennent pour quelque temps des mains du Parti communiste la majorité au sein du Syndicat national des chercheurs scientifiques et du Syndicat national de l’enseignement supérieur - SNEsup - ; on les retrouve également à la CFDT. Ils lancent les revues Labo-Contestation ou Impascience, animent des groupements de scientifiques responsables, tel le Comité antiamiante ou le Groupement des scientifiques pour l’information sur l’énergie nucléaire - le nom est bien sûr inspiré du Groupe d’information sur les prisons - (Topçu 2004), etc. Jusqu’en 1968, l’engagement public des chercheurs - de celui, « pacifiste », d’un Frédéric Joliot-Curie (Pinault 2000]) à celui, anti-impérialiste, d’un Alfred Kastler, en passant par la promotion de la science des animateurs du colloque de Caen (Duclert 1998) - était un héritier de l’affaire Dreyfus, en ce qu’il s’appuyait sur l’autorité de la science comme productrice d’un point de vue supérieur sur le monde - vérité, neutralité, objectivité, etc. La nouvelle génération de chercheurs engagés rompt avec ce modèle et ce rapproche d’une posture d’« intellectuel spécifique » (Foucault 1994). Elle entreprend de questionner et politiser la science elle-même, et lui refuse la prétention à un quelconque point de vue supérieur et neutre sur le monde. Elle pose la question des dominations existantes au sein de la communauté scientifique - hiérarchies, division du travail, place des femmes, etc. -, interroge la fonction jouée par la science dans la guerre - nous sommes en pleine guerre du Vietnam - et dans la production et la légitimation d’un « ordre social capitaliste » (Lévy-Leblond, Jaubert 1973). Certains de ces chercheurs engagés s’impliquent également dans le mouvement écologiste naissant. Le mouvement antinucléaire français - le plus puissant d’Europe entre 1973 et 1977 - témoigne du basculement de l’adhésion délégative au « progrès » vers une « politisation » des sciences et des techniques : des questions autrefois qualifiées de « techniques » sont désormais construites dans l’espace public comme des enjeux de société. Le cadrage « nationaliste » des discours publics sur la science et la technologie recule devant un cadrage « sociopolitique ».

Les années 1980 : le retour de l’État et des certitudes

Les derniers mois du giscardisme et le premier septennat mitterrandien marquent un certain renouveau du colbertisme scientifique : nationalisations et volontarisme politique en matière de politique industrielle et technologique, essor des budgets de recherche, programmes mobilisateurs, loi de 1982 sur la recherche, statut de fonctionnaire pour les chercheurs. En retour, dans un contexte de « réhabilitation de l’entreprise » témoignant de l’intégration à gauche des nouvelles normes qui s’affirment pour l’action publique au niveau mondial, les chercheurs sont encouragés à travailler avec les entreprises, et des initiatives - groupements d’intérêt économique, encouragement à la brevetisation, unités mixtes, etc. - sont lancées pour accommoder la recherche au modèle américain émergent (cf. infra).

En somme, ce retour de l’État ne s’effectue pas tant au détriment des acteurs industriels que de celui de l’ouverture vers la société civile. Le ministre de la Recherche, Jean-Pierre Chevènement, par analogie avec les années 1930, estime en effet que la République est menacée par la conjonction de la crise économique et d’un obscurantisme - il englobe sous ce terme aussi bien Madame Soleil que des préoccupations écologistes aujourd’hui validées. Aussi la République se doit-elle de protéger la science des interpellations des années 1970 en enrayant « le mouvement antiscience, dont le développement coïncide avec la crise des sociétés capitalistes avancées et constitue un enjeu majeur » (Chevènement 1981 ; Petitjean 1998). Alors que reflue le cycle d’engagement militant lancé dans les années 1960 - y compris dans les milieux de la recherche -, les institutions scientifiques sont confiées à la cogestion avec les représentants des chercheurs et réenclavées par rapport aux questionnements de la société et à la critique sociale des sciences. Ainsi, les alertes et les controverses sur l’amiante et la radioactivité, très vives depuis 1970, disparaissent quasiment de l’espace public au début des années 1980 : les sociologues Francis Chateauraynaud et Didier Torny (1999) parlent d’un « trou configurationnel ». Même l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques - OPECST -, créé en 1983, et qui aurait pu constituer un espace de mise en débat démocratique des choix scientifiques et techniques, reste sans moyen ni autorité face au « tropisme de l’État français marqué par une tendance à constituer des monopoles de l’expertise au sein de la seule administration » (Restier-Melleray 1990). En ce qui concerne l’organisation de l’expertise et l’élaboration des choix scientifiques et technologiques, il faudra attendre les crises des années 1990 pour que le modèle technocratique des Trente Glorieuses soit ébranlé. Alors que l’Europe du Nord et l’Amérique du Nord inventent certains outils de mise en débat et de coproduction de la recherche - telles les « boutiques de science », qui ne seront pas soutenues en France, et les conférences de citoyens -, les décideurs politico-scientifiques français s’en tiennent à un cadrage « pédagogique » de la relation entre science et société (Chavot, Masseran 2003). Selon cette approche linéaire descendante, l’État s’engage dans une entreprise de diffusion de la « culture scientifique, technique et industrielle » vers le public, dont la distanciation par rapport au « progrès » est attribuée à un déficit de connaissance scientifique : ce sera la philosophie de la nouvelle politique de « culture scientifique et technique » - ouverture de la Cité des Sciences et de l’Industrie à Paris, création des centres régionaux de culture scientifique technique et industrielle, puis Fête de la science, etc. Aux Assises nationales de la recherche de janvier 1982, le ministre de la Recherche, Jean-Pierre Chevènement, résume cette conception : « C’est au prix d’une vaste entreprise de diffusion du savoir [...] que nous pourrons faire reculer certains préjugés contre la science et la technologie, tenir en lisière les mouvements antiscience et mettre en mesure les citoyens de mieux cerner l’importance des enjeux scientifiques et techniques. »

Le choix du début des années 1980 est donc celui d’une cogestion avec les chercheurs pour accommoder, dans un cadrage « national-industrialiste », la montée mondiale d’un pilotage marchand de la recherche et pour reléguer au second plan les aspirations d’une société civile plus éduquée à participer aux choix scientifiques et à la définition des contenus du progrès. Mais ce choix s’avérera dans la période suivante très problématique pour la recherche française, tant en termes d’efficacité économique que de légitimité sociétale. Ainsi, parmi les « champions » industriels français, irrigués de financements publics de recherche dans les années 1980, la plupart dépendent aujourd’hui de capitaux internationaux et ont délocalisé une partie de leurs activités de production et de recherche, ce qui rendra l’identification de leur intérêt avec l’intérêt des Français de moins en moins évidente. Dans le domaine informatique, plusieurs analystes estiment ainsi qu’une politique industrielle qui aurait misé, à la fin des années 1980, sur le développement du logiciel libre en favorisant la naissance d’un tissu d’associations et de PME aurait été plus créatrice d’emplois et de richesses que les millions d’euros alors engloutis dans Bull. Dans le domaine des biotechnologies, certains blocages n’auraient-ils pas pu être évités si l’on avait trouvé plus tôt le chemin de la concertation sociale - voir l’occasion manquée de la loi de 1992 sur les OGM ? C’est aussi des années 1980 que date le retard de la recherche française dans plusieurs domaines clés du développement durable, tels que les énergies renouvelables, l’agriculture durable ou la santé environnementale (Fondation sciences citoyennes 2004).

Enfin, le paradigme de la lutte contre l’antiscience par la culture scientifique s’appuyait sur une analyse erronée en ce qu’il situait la source des résistances au « progrès » dans un déficit de connaissances plutôt que dans un désir de participation. Ce modèle du déficit est invalidé par bien des travaux de sciences sociales, qu’ils portent sur les perceptions publiques de la science ou sur les « nouveaux mouvements sociaux ». Ces études montrent en effet que, contrairement à l’âge des IIIe et IVe République, où c’étaient les groupes sociaux déclinants - notables, catholiques, petits commerçants et ruraux - qui contestaient la modernisation et le pouvoir de la science (Rasmussen 1996), ce sont, depuis les années 1960, les catégories socioprofessionnelles moyennes et favorisées, à fort capital scolaire, qui mettent le plus la science à distance critique (Cheveigné 2000). Alain Touraine parlait d’une « critique progressiste du progrès » pour décrire ce phénomène (Touraine et al. 1980). Des études sociologiques plus qualitatives sur focus groups montrent en outre que les réticences vis-à-vis des institutions technoscientifiques qui organisent nos vies et nos risques sont moins liées à des positionnements - ou déficits - de savoir qu’à une appréciation du comportement passé de ces institutions, bref à un savoir protosociologique des modes de régulation publique de l’innovation (Marris et al. 2001). Mais ce mode de relation pédagogique à la société - Michel Callon (1998) parle de « modèle de l’Instruction publique » - ne sera pas invalidé seulement par l’analyse sociologique ; il le sera aussi, au cours de notre quatrième période, par le choc des crises sanitaires et par l’affirmation des associations comme porteuses de savoirs et d’expertise.

Depuis les années 1990 : la recherche entre marché et « citoyens » dans la société du risque

Les quinze dernières années sont marquées par de profonds changements des relations entre science et société. En résumant de nombreux travaux, on peut organiser ces changements autour de trois grandes transformations.

La première grande transformation, engagée dans les années 1970, est liée à la mondialisation : la boucle colbertiste et néokeynésienne des Trente Glorieuses - plus d’investissement public dans la recherche donne plus de croissance, donc plus de rentrées fiscales pour l’État, etc. - s’est grippée : même les grands champions industriels français délocalisent l’emploi et leurs centres de R & D, et le marché pilote une part croissante de la recherche. Celle-ci tend à s’effectuer dans des cadres moins disciplinaires, plus liés aux contextes d’usage - que ce soit pour l’innovation ou pour l’expertise publique -, et dans des institutions hybridant normes publiques et normes privées. Un nouveau régime de propriété intellectuelle, fondé sur le brevetage systématique de la connaissance et du vivant, a émergé aux États-Unis autour de 1980 : nouvelles pratiques du Patent Office, lois autorisant la prise de brevets sur les résultats de la recherche publique, aides au capital-risque et à la constitution d’un marché financier high tech, etc. Il s’est ensuite imposé à toute la planète, via les accords de l’Organisation mondiale du commerce - OMC - de 1994 sur la propriété intellectuelle. Dans ce nouveau régime de production des savoirs qui s’affirme, l’appropriation remonte vers l’amont de la production de connaissances, et les recherches les plus fondamentales tendent à être de plus en plus jugées par les marchés financiers, et non plus seulement par les pairs, introduisant des phénomènes de « bulles » au cœur de la dynamique scientifique - par exemple la course au génome. Le curseur entre recherches publique et privée se déplace à l’avantage de la seconde. Ainsi, Monsanto et Dupont réunis détiennent plus de brevets en biotechnologie végétale que tout le secteur public mondial et fixent largement l’agenda des thématiques de recherche. Dans le domaine de la santé, seulement 0,001 % du budget de la recherche biomédicale mondiale - publique et privée - est consacré à l’étude des maladies infectieuses majeures des pays pauvres que sont la tuberculose, le paludisme résistant à la chloroquine, la leishmaniose viscérale, la filariose lymphatique, la maladie de Chagas et la schistosomiase. C’est donc la valeur privée à court terme des innovations potentielles, plutôt que leur valeur publique à long terme, qui tend à polariser la recherche (pour des synthèses voir Gibbons et al. 1994 ; Pestre 2003 ; Larédo, Mustar 2001). Cette mutation n’est pas sans poser un certain nombre de problèmes - indépendance de l’expertise, capacité à répondre à l’intérêt général, entraves à la liberté de circulation des connaissances (Dasgupta 2000) -, qui, les États généraux de la recherche de 2004 en ont témoigné, préoccupent non seulement les mouvements citoyens, mais aussi une partie des chercheurs (Les États généraux de la recherche 2005).

Le déclin des « techniciens » dans la société est une des facettes de ces évolutions politico-économiques en cours. Si les Trente Glorieuses furent celles de l’ascension sociale des ingénieurs et des chercheurs, les dernières décennies ont plutôt vu l’ascension des financiers, des commerciaux et des communicants. Dans les médias, et en particulier à la télévision, cette évolution se traduit par une inflexion des discours sur la science : on passe du « spectacle du contenu » - années 1960 à 1980, où la télévision s’efface pour n’être que vectrice de la parole savante - à la « performance du médiateur » - où la légitimité de la science cède du terrain devant celle de la télévision avec la multiplication, dans les émissions de vulgarisation scientifique, des autoréférences, réutilisation de sources télévisuelles antérieures, mises en scène de films de cinéma, de publicités, emprunts narratifs à des émissions de vulgarisation anciennes, etc. (Babou, Le Marec 2003). Dans les grandes entreprises high tech, où les financiers ont conquis le pouvoir au détriment des ingénieurs, la recherche tend à devenir une marchandise à se procurer sur un marché désormais mondial - externalisation croissante de la R & D, passée chez les firmes françaises de 10 % vers 1980 à 25 % ces dernières années (Dumoulin, Martin 2003). Les institutions de recherche et d’enseignement supérieur se trouvent alors prises entre la difficulté à recruter - carrières moins attractives - et la nécessité de se procurer des financements privés, et de se positionner sur un marché mondial de l’offre de recherche. Dans ce jeu de mise en concurrence généralisée des systèmes d’enseignement supérieur et de recherche à l’échelle planétaire, quelques grands pôles universitaires s’affirment, concentrant contrats de recherches, diplômes les plus réputés et offres d’emploi - doctorants et post-docs -, au détriment d’autres territoires menacés de désertification scientifique[2].

La deuxième grande transformation est l’irruption des questions de risque dans l’espace public. Dans cette « société du risque » décrite par le sociologue allemand Ulrich Beck (2001), la vie n’est pas plus dangereuse qu’il y a un ou deux siècles, mais le risque a changé de nature et d’échelle : on ne peut plus l’externaliser en attribuant les catastrophes à Dieu ou à la nature. La société est donc confrontée essentiellement à des risques générés par ses propres activités économiques et inventives - le changement climatique en est le cas paradigmatique. D’où la recherche récurrente de responsabilités humaines et la construction des « effets secondaires » du « progrès » comme problèmes publics dans l’espace public. Les affaires de Tchernobyl, du sang contaminé, de l’amiante, puis de la « vache folle » ont été les détonateurs de cette nouvelle configuration du débat. Dans ces quatre cas, l’enquête a établi que des intérêts économiques avaient conduit les pouvoirs publics et leurs experts à faire des choix contraires à la sécurité sanitaire. Cela a engendré un sentiment que l’État abandonnait sa mission régalienne de protection des administrés. Loin de se réduire à une peur des risques et de la science, ce décrochement est lié à la question bien plus large du reflux des régulations sociales, de l’abandon du pacte social entre État, marché, science et société, qui avait cimenté une large adhésion au « progrès » pendant les Trente Glorieuses. C’est parce que de larges couches de la société vivent difficilement la perte des protections économiques et sociales anciennes - mondialisation et recul du périmètre de l’État, précarisation de l’emploi, sentiment d’incertitude sur l’avenir des retraites, partage de la valeur ajoutée devenu plus favorable au travail, etc. -, et parce que les couches les plus populaires jouent un rôle moins visible dans l’espace public - désaffiliation politique -, que les crises liées à la gestion des risques technologiques, bien que mobilisant une fraction limitée de la société, acquièrent un sens scandaleux et général, et que la société française effectue un décrochement vis-à-vis des institutions autrefois garantes de l’ancien pacte : l’État, l’industrie et la science.

N’étant pas spécifique au rapport à la science dans ses origines, ce décrochement ne l’est pas non plus dans ses effets, qui sont multiples et affectent de nombreux secteurs : abstention électorale, montée des extrémismes et des fondamentalismes, repli sur la sphère privée, mais aussi renouveau des mouvements sociaux et écologiques - altermondialisme, juridisation de la conflictualité sociale. Dans le champ journalistique, ces mutations se traduisent par le passage d’une posture de vulgarisation à une posture de contextualisation de la science, désormais traitée selon les mêmes normes d’enquête et d’écriture que les sujets politiques ou de société (Champagne 1999). Plus largement, on observe dans nos sociétés une distanciation à l’égard d’un « progrès » prédéfini par l’ancien triangle chercheur-décideur, politique-décideur et économique. Aujourd’hui, l’équation faite par Condorcet et les Lumières entre progrès de la connaissance, progrès matériel et progrès humain et moral n’est plus une évidence. Après l’ère de la maîtrise instrumentale de la nature vient l’ère de la maîtrise sociale de cette maîtrise.

La troisième transformation est l’implication accrue de « profanes » - c’est-à-dire d’acteurs qui ne sont ni scientifiques ni techniciens professionnels - dans la recherche et l’innovation. Pour reprendre la notion de « cités » de justification de Luc Boltanski et Laurent Thévenot (1991), on pourrait dire qu’à côté de la monté d’un mode marchand de production et régulation des savoirs (cf. supra), émerge également un mode « civique ». La combinaison/confrontation de ces deux modes est en voie d’infléchir profondément les modes de production et de régulation antérieurs - colbertistes, professionnels, etc. - qui se fondaient, dans les Trente Glorieuses, sur les principes de justification de la « cité industrielle » - fonctionnalité, efficacité, etc. - (Bonneuil, Thomas 2004 ; Pestre 2003 ; Gaudillière 2002b). Autrefois cantonnés dans le triangle chercheurs-décideurs, étatiques-entrepreneurs et privés, les choix de recherche et d’innovation se discutent de plus en plus dans des « forums hybrides », incluant d’autres types d’acteurs : négociations internationales, élus locaux, juges, usagers, associations de malades, de consommateurs ou de défense de l’environnement, etc. (Callon et al. 2001). En outre, les frontières entre professionnels des institutions scientifiques et autres acteurs - usagers, malades, publics, praticiens, militants, etc. - se font poreuses. Les raisons en sont multiples : le déclin de l’État - qui appuyait la constitution de champs professionnels relativement autonomes - n’est pas sans effet d’érosion sur les frontières et les identités professionnelles ; l’élévation du niveau scolaire et la montée des classes moyennes urbaines pendant les Trente Glorieuses ont suscité de nouvelles demandes de participation aux choix technoscientifiques et de nouvelles pratiques, actives et ascendantes, d’appropriation et de production des savoirs ; ces deux éléments, ajoutés à la montée du risque, ont alors déplacé les rapports de force entre État et société civile, y compris en matière de recherche, d’expertise et d’innovation (Nowotny et al. 2003).

Les mobilisations et les initiatives citoyennes de ces dernières années, sur des enjeux tels que les organismes génétiquement modifiés, les déchets et rejets nucléaires, Internet, le sida, l’amiante, les pollutions chimiques, les brevets, etc., témoignent à l’évidence du passage d’un rapport de délégation à une demande de participation. Après la première phase de la décennie post 1968, les années 1990 - la crise de 1986 autour des retombées radioactives de l’accident de Tchernobyl en France en étant l’événement précurseur - marquent en France une seconde phase de mise en politique de la science et de la technique. À la différence des années 1970, où les scientifiques engagés étaient moteurs de la mise en politique des choix scientifiques et techniques, les mobilisations mettent cette fois en scène de nouveaux acteurs collectifs de la société civile - associations, collectifs de victimes, etc.-, et de nouvelles arènes : l’arène judiciaire - où se tranchent de plus en plus les controverses - et l’arène médiatique - qui se saisit plus systématiquement de ces controverses, notamment lorsqu’elles sont portées devant la justice. Dans ce nouveau contexte, après l’intellectuel universel des Trente Glorieuses et l’intellectuel spécifique des années 1970, le modèle d’engagement public des chercheurs tend souvent vers la figure du « lanceur d’alerte » (Chateauraynaud, Torny 1999 ; Fondation sciences citoyennes 2005).

Ces crises et ces mobilisations ont forcé le désenclavement des institutions scientifiques et des instances d’expertise. L’action publique s’est trouvée poussée, pour demeurer légitime, à établir de nouvelles passerelles avec les administrés : en témoigne la multiplication des discours sur la proximité et la floraison de processus délibératifs élargis aux représentants associatifs et aux citoyens ordinaires (Blondiaux, Sintomer 2002). À côté des conseils de quartier, rendus obligatoires par la loi de 2002 sur la « démocratie de proximité »[3], de la Commission nationale du débat public, créée en 1995, il s’agit, en ce qui concerne les sciences et les techniques, d’une part, des « États généraux » et autres « grands débats » - alimentation, santé, énergie, essais d’OGM en champs, etc. -, et, d’autre part, de l’importation en France du dispositif « conférence de citoyens », né au Danemark dans les années 1980. Les deux conférences de citoyens organisées en France - en 1998 sur les OGM et en 2002 sur le changement climatique - ont fait la preuve que des citoyens profanes, informés de façon sérieuse et pluraliste, sont à même de contrebalancer les différents lobbies et de compléter utilement les instances parlementaires ou d’expertise dans l’exploration des enjeux et de solutions d’intérêt général face à des problèmes socioscientifiques complexes (Marris, Joly 1999 ; Boy et al. 2000 ; Testart 2002).

Les institutions d’expertise et de recherche ont également dû apprendre à composer avec les associations - négociation des protocoles d’essais thérapeutiques avec le mouvement sida, succès du Téléthon, réajustements progressifs des cartes des retombées radioactives par les instances officielles sous la pression de la Commission de recherche d’information indépendante sur la radioactivité - CRIIRAD (2002) -, entrée de représentants de la société civile dans certains comités d’experts, etc. - et à redéfinir leur rapport à l’espace public - reconnaissance accrue de la fonction d’expertise, développement de l’expertise collective dans les organismes de recherche, nouvelles réflexions sur les partenariats, etc.

Une innovation institutionnelle, la création des agences de sécurité sanitaire - principalement Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, Agence française de sécurité sanitaire des aliments, Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement, etc. - marque par ailleurs une rupture forte avec le modèle d’organisation de l’expertise des Trente Glorieuses. Autrefois enchâssée dans les directions ministérielles, l’expertise acquiert avec ces outils d’action publique une nouvelle autonomie et devient visible dans l’espace public en tant qu’étape fonctionnellement séparée aussi bien de la recherche que de la décision. Ces agences n’éclairent plus seulement le décideur, mais aussi l’opinion publique - mise en ligne des avis, possibilité de saisine de certaines agences par les associations - et se fixent de nouvelles normes : déclaration d’intérêt, formalisation des procédures, débats contradictoires, expression des avis minoritaires, transparence des avis voire des délibérations, principe de précaution, etc. Si le bilan précis des agences est contrasté - celui de l’AFSSAPS est plus mitigé que celui de l’AFSSA et l’AFSSE est encore virtuelle -, il reste qu’une arène de l’expertise s’est constituée comme une interface visible et responsable entre arène scientifique, arène politico-administrative et espace public (Joly 1999, Besançon 2004). Rompant avec le modèle linéaire d’autrefois, qui concevait l’expertise comme un produit dérivé d’une science toute faite et neutre, les agences commanditent de nouvelles recherches pour répondre à de nouvelles incertitudes et transforment ainsi les cadrages, les objets de la science, dont les certitudes évoluent alors au fur et à mesure que se déploie un triptyque débat public-expertise-action publique conçu comme un processus d’apprentissage. Appuyées sur le principe de précaution et sur la demande sociale de connaissance, les agences sanitaires et environnementales - et plus généralement l’expertise collective - pourraient jouer à l’avenir en France et en Europe le rôle clé dans l’expansion de la recherche que jouait pendant la guerre froide la commande militaire.

Outre une demande forte de participation à la « régulation » de la recherche, de l’innovation et de l’expertise, l’irruption de la société civile dans les politiques de recherche s’effectue également en terme de « production » de savoirs et d’innovations. Depuis le choc de Tchernobyl, des associations comme la CRIIRAD ou l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest - ACRO - ont rompu le monopole étatique de l’expertise en effectuant elles-mêmes des mesures de radioactivité pour des associations ou des collectivités locales. Ces dernières années ont vu le mouvement altermondialiste construire une forte expertise sur de grandes questions économiques, sociales, scientifiques et médicales de la planète. Depuis l’expérience clé du mouvement sida (Barbot 2002, Dodier 2003), d’autres groupes de malades ont développé des pratiques d’investigation et de production de savoirs, conduisant à de nouvelles bases de partenariats avec les institutions biomédicales. Avec le logiciel libre, s’est affirmée, en marge des modèles standard de l’innovation, une technologie née de la libre coopération de passionnés (Latrive 2004). Pour prendre un dernier exemple dans le domaine de l’environnement, la conservation des ressources génétiques, qui était vue il y a deux décennies avant tout comme une affaire de scientifiques et de gestionnaires de parcs et de collections, a fait peu à peu une place croissante à des collectifs de paysans, de jardiniers ou de citoyens reconnus comme acteurs de la gestion dynamique de la biodiversité. À côté de la recherche publique et du secteur privé émerge ainsi un tiers secteur de la recherche associative, de l’expertise citoyenne et de l’innovation coopérative. L’ancien modèle fordiste de production des savoirs cède la place à une société de la connaissance disséminée. Sans tomber dans l’irénisme des discours sur la « société de la connaissance » ou de l’« innovation ascendante », « en réseau » - qui occultent souvent les batailles en cours pour la captation des savoirs -, force est de reconnaître que c’est du savoir vivant plutôt que du seul savoir approprié ou codifié, que c’est de tous les pores de la société plutôt que des seules institutions spécialisées - centres de recherche publics ou privés, bureaux des méthodes, comités d’experts, etc. -, qu’émergent aujourd’hui les savoirs et les innovations qui font la richesse économique et sociale de nos sociétés (Vercellone 2003). Dans ce nouveau contexte, la recherche institutionnalisée et professionnalisée, tout en conservant un rôle clé, est appelée à abandonner sa posture hégémonique et à apprendre à se faire animatrice et catalyseur de dynamiques ascendantes de productions de connaissance et d’innovation (FutuRIS 2004, Fondation sciences citoyennes 2004). Les décideurs économiques ont saisi cette évolution et ont adapté leurs formes de management pour mobiliser, au mieux de leurs intérêts, ces « externalités positives » diffuses que sont les savoirs et les compétences d’interaction et d’innovation des employés - gestion par projet, « management de la connaissance », « nouvel esprit du capitalisme » -, des usagers (coconception du produit par le client usager), voire des administrés - « développement participatif » au Sud, sponsorisé par la Banque mondiale pour capter les savoirs locaux que le développementalisme technicien piloté par l’État n’avait pas su mobiliser efficacement (Boltanski, Chiapello 2000).

Face à ce capitalisme cognitif, par projet, les politiques publiques françaises de recherche et d’innovation n’ont pas encore intégré cette nouvelle donne et n’ont pas inventé les outils publics d’incitation aux partenariats entre recherche publique et tiers secteur à but non lucratif de la connaissance. Une seule exception confirme ce constat : le lancement récent par la région Île-de-France d’un programme « Partenariats institutions-citoyens de recherche et d’innovation », inspiré d’un dispositif expérimenté au Canada depuis cinq ans[4]. Une telle politique d’encouragement des recherches en partenariat avec les acteurs de la « société civile » vise à approfondir notre démocratie en offrant aux mouvements sociaux et citoyens un meilleur accès à la recherche (Commission européenne 2002). Elle pourrait également enrichir la science et faire contrepoids au seul pilotage de la recherche par le marché, en ouvrant la recherche publique à des partenaires porteurs d’intérêts non marchands et vecteurs d’orientations alternatives aux paradigmes technoscientifiques privilégiés par les intérêts dominants. La proposition du rapport final des États généraux de la recherche consistant à créer un programme « Science et société » au sein de la nouvelle ventilation du budget de la recherche - loi organique des lois de finance -, qui aurait pour mission « de favoriser les contacts entre les associations [...] et les équipes de recherche [...] afin d’aboutir à la formulation de projets de recherche », témoigne d’une prise de conscience qu’un degré de liberté de la recherche pourrait être gagné dans de tels partenariats (États généraux de la recherche 2005, p. 127 ; Fondation sciences citoyennes 2004).

Bien que cette proposition des États généraux reste inscrite dans une tonalité générale encore largement imprégnée du schéma pédagogique diffusionniste qui était celui des Assises nationales de la recherche de 1982, elle témoigne du chemin parcouru entre 1982 et 2004. Avec cette profusion d’initiatives de la société civile, cette ouverture d’une fraction croissante des chercheurs et un certain nombre d’innovations institutionnelles récentes, les débats de 2004 sur l’avenir de la recherche auront donc dégagé quelques ingrédients d’une nouvelle politique scientifique, dans laquelle, face au seul jeu du marché, l’ambition technologique et scientifique de la France serait indissociable d’un pacte nouveau[5] entre la recherche, l’État et une société civile devenue actrice des choix et des projets de recherche et d’innovation.

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[1] Robert Boyer, de l’école de la régulation, a caractérisé ainsi le compromis fordiste : « acceptation par les travailleurs et leurs organisations syndicales de l’impératif de modernisation, laissée à l’initiative de la direction des entreprises ; concentration des conflits du travail sur les augmentations du salaire nominal de sorte qu’elles varient en conformité avec les gains de productivité attendus et l’inflation » (Boyer 1986, p. 15).

[2] On comprend alors que le mouvement Sauvons la recherche (SLR) soit parti de chercheurs en biomédecine : il s’agit d’un secteur particulièrement exposé à la mondialisation que nous venons de décrire, et ayant ces dernières années bénéficié d’une évolution des financements publics bien moins favorable en France qu’aux États-Unis. C’est dans une communauté où montait un vif sentiment d’être décroché dans la compétition mondiale en cours, qu’ont émergé les initiateurs du mouvement des chercheurs.

[3] Loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

[4] Pour une présentation du programme de recherche canadien « Alliance de recherche universités - communautés », destinés à financer des recherches en partenariat entre laboratoires publics de recherche et associations ou collectivités locales, voir http://sciencescitoyennes.org/article.php3 ?id_article=127
et http://www.crsh.ca/web/apply/program_descriptions/cura_f.asp

[5] Sa robustesse dépendra, comme dans la période historique précédente, de son inscription dans un compromis social plus large entre forces économiques, pouvoirs publics et différentes couches sociales, probablement à l’échelle européenne et mondiale.


Citer cet article : Christophe Bonneuil, « Les transformations des rapports entre sciences et société en France depuis la Seconde Guerre mondiale : un essai de synthèse », colloque Sciences, Médias et Société, 15-17 juin 2004, Lyon, ENS-LSH, http://sciences-medias.ens-lsh.fr/article.php3 ?id_article=56

 

 
     
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